Prisons surveillants

Publié le par COLLECTIF ANTILIBÉRAL du PAYS de PORT-LOUIS


Prisons : Dati veut mater les matons

Quatre mille surveillants ont entamé, hier, le blocage d’une centaine d’établissements. Une mobilisation réprimée, comme à Fleury-Mérogis.

Sept heures du matin. La prison de Fleury-Mérogis, la plus grande de France et d’Europe, a des allures d’usine désaffectée. Pourtant, le soleil tape dur. Et il n’est pas le seul. Devant la prison, des palettes en flammes dont la fumée est vite chassée par les nuages de lacrymos. Il est à peine 7 heures et les gendarmes mobiles chargent déjà la centaine de manifestants. Choc des corps et des boucliers, cris rauques, regards fiévreux… Petit à petit, les gardiens de prison, les « porte-clés », sont chassés des portes de Fleury qu’ils comptaient bloquer.

« Des moyens et du dialogue »

Depuis hier matin, les personnels de l’administration pénitentiaire, à l’appel de l’intersyndicale (UFAP, FO, CGT), ont entamé, dans 120 établissements sur 194, leur mouvement de blocage progressif des prisons pour réclamer plus de moyens et une amélioration des conditions de travail. Mais aussi de détention : leur colère va au-delà des murs et des simples revendications catégorielles. D’où peut-être la réponse musclée du gouvernement : « Il y a quelques années, se souvient Céline Verzeletti, de la CGT pénitentiaire, les forces de l’ordre n’arrivaient qu’après quelques heures. Si on n’a pas le droit de grève, on nous laissait au moins manifester… Là, les choses ont changé. D’ailleurs, jeudi dernier, alors que nous étions reçus par Dati, un fax de l’AP arrivait dans toutes les prisons. La consigne était claire : les sanctions allaient tomber. »

Sur place, le directeur de Fleury, Paul Louchouarn, confirme : « Je ne vois pas pourquoi les surveillants se disent surpris. Ils sont prévenus depuis la semaine dernière. Pas question de bloquer l’institution judiciaire. » Qui plus est, lorsque les détenus à extraire sont les membres du médiatique « gang des barbares », les fourgons qui quittent la prison sont hués. Le directeur aussi. Il fait grise mine. D’autant qu’ici tout le monde a en tête le reportage tourné clandestinement par des détenus de Fleury.

Reçus aujourd’hui par la ministre

Face aux gendarmes, Christian Le Borgne, surveillant « depuis treize ans à Fleury », est en première ligne : « On est là pour mettre les politiques et le gouvernement face à leurs responsabilités. Et on n’a pas choisi ce moment par hasard. Face à une crise sociale sans précédent, nous, en prison, chaque jour, on est envoyé au front. Car ce qui s’y passe interroge la société tout entière. Et l’on sait que notre sort et celui des détenus sont liés. S’ils sont trop nombreux, c’est ingérable. Si les conditions de détention sont mauvaises, nos conditions de travail le seront aussi. De toute manière, elles le sont déjà. Symbolique : on n’a même plus de médecin du travail ! » Et d’ajouter : « Nous, on ne demande qu’une chose : des moyens et du dialogue. Mais, face à nous, on a soit un mur, soit les forces de l’ordre. » À ses côtés, Hervé Corzani, conseiller municipal (PCF), explique sa démarche de soutien : « Si le directeur se dit surpris de l’ampleur de leur grogne, je ne le suis pas. En France, il y a 68 000 détenus pour 50 000 places. C’est ingérable. »

Féliz Ramirez, surveillant depuis deux ans à Fleury, ne dit pas autre chose : « On a, en moyenne, entre 80 et 90 détenus à gérer. Dans l’idéal, il ne faudrait pas dépasser la trentaine. Comment, dans ces conditions, faire de la réinsertion ? Certes, un bâtiment a été rénové. Mais il en reste encore six. » Pas étonnant donc, pour lui, que les détenus soutiennent ce mouvement. « La seule chose qu’ils nous demandent, c’est de ne pas bloquer les parloirs. » Ce sera d’ailleurs, hier matin, la grosse inquiétude des familles. Mais Youssef, la soixantaine, reste philosophe. Attendant son fils qui doit sortir après sept mois d’emprisonnement, il se demande juste ce qu’il va devenir : « Avant la prison, il avait un boulot. Là, en sortant, il va pointer au chômage. » Et de comprendre « la colère des surveillants. Mon fils m’a raconté : les conditions de détention sont inadmissibles. Mais j’ai peur qu’il n’y ait personne pour les entendre ».

Même scepticisme de la part des syndicats. Ce matin, Rachida Dati doit à nouveau les recevoir. « Mais si, comme la dernière fois, elle ne nous propose rien de concret, prévient Céline Verzeletti, on durcira le mouvement et on bloquera aussi les visiteurs de prison et les avocats. » Symbolique, la veille, près de Lyon, a été inaugurée une prison (gérée par le privé) presque entièrement automatisée. « Mais avec déjà des matelas supplémentaires », déplore la secrétaire de la CGT pénitentiaire. C’est peut-être ça, la prison de Dati : toujours plus de détenus, toujours moins de surveillants. »

Sébastien Homer


Publié dans Luttes sociales

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