Le secret de Polichinelle

Publié le par COLLECTIF ANTILIBÉRAL du PAYS de PORT-LOUIS

http://www.chinels.be/Polichinelle1.jpgAvant même d’avoir « consulté » le gouvernement sait déjà où il veut aller sur les retraites.

Par Maurice Ulrich

La grande séquence de concertation sur les retraites serait donc engagée. Mais le mot semble déjà galvaudé. Le Figaro annonçait hier avec un petit titre en une le « Coup d’envoi des consultations » mais ouvrait ses pages économiques avec « Première passe d’armes sur les retraites » ; les Échos annonçaient « Le plan de bataille du gouvernement ». On peut douter par ailleurs de la volonté de concertation qui prévaut à l’Élysée et à Matignon, au regard de la situation à la SNCF. Il est avéré que la direction en dresse un tableau mensonger en minimisant les conséquences de la grève. Cela, au détriment des usagers abusés et dans l’espoir de voir le mouvement s’épuiser. Que signifie, sinon, son refus de négocier avant la reprise du travail, si ce n’est qu’elle spécule sur la démobilisation des cheminots. Au stade d’un conflit national, la direction de la SNCF ne peut agir sans le feu vert du gouvernement. Les usagers, les citoyens, doivent être informés de cette duplicité.

 

Les retraites ne sont pas d’abord un problème comptable. Il s’agit d’une question majeure de civilisation qui ne peut se satisfaire de manipulations et de calculs politiciens. La manipulation est patente : il n’y aurait d’autres solutions que l’augmentation des cotisations et le recul de l’âge du départ. C’est dire qu’avant même d’avoir « consulté » le gouvernement sait déjà où il veut aller, ce qui au demeurant est un secret de Polichinelle. Et d’arguer, faute de mieux, de la démographie. D’emblée, donc, des pistes majeures sont écartées. En premier lieu, la réforme de l’assiette des cotisations, faisant contribuer les revenus financiers sous leurs différentes formes. Comme s’il voulait en conjurer le spectre, l’éditorialiste des Échos feint de balayer d’un revers de plume cette hypothèse qui ne représenterait, selon lui, que ≈†quelques dizaines de millions d’euros de prélèvements sur le capital ∆Æ Les chiffres sont tout autre. Un scénario minimaliste de la Cour des comptes avance déjà celui de trois milliards. L’autre piste, plus exactement l’autre donnée, fondamentale, c’est la situation de l’économie elle-même. C’est curieux tout de même, cette propension largement partagée à déconnecter la question des retraites de la logique du capitalisme et des réponses qu’il entend apporter à sa propre crise. Délocalisations, fermetures d’entreprises, chômage, pression sur le pouvoir d’achat, précarité, suppressions d’emplois dans la fonction publique… Nicolas Sarkozy et son gouvernement poussent les feux de la machine libérale. En faisant le choix de la croissance financière contre la croissance réelle, ils sapent les bases de la solidarité nationale. On comprend qu’ils ne rencontrent que l’approbation du Medef.

 

Selon un sondage Louis Harris, 80 % des Français jugent nécessaire la réforme des retraites mais rejettent les pistes du gouvernement. 56 % ne veulent pas cotiser plus longtemps, 60 % rejettent l’idée d’un recul de l’âge du départ. On croit déjà entendre les couplets qui ne sauraient tarder sur la pédagogie nécessaire, les rigidités des Français, comparés à leurs voisins européens si coopératifs« †Mais peut-être que les Français commencent à avoir leurs idées sur la question et il ne fait aucun doute qu’ils seront très attentifs à la ≈†concertation ∆¨ ou à la confrontation qui s’engage. Le pouvoir n’a pas toutes les cartes en main et il biaise. Il appartient aux forces syndicales, aux associations, à la gauche de porter le débat sur les retraites dans l’opinion, pour une construction collective d’une très haute ambition ?

L'Humanité

 

 

Publié dans Actualités : Social

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