Niches fiscales, une perte sèche pour l'État

Publié le par COLLECTIF ANTILIBÉRAL du PAYS de PORT-LOUIS

A l’heure où arrivent les déclarations de revenus, coup de projesteur sur les 500 moyens d’échapper à l’impôt sans être en infraction. Au fil des années, les niches fiscales n’ont cessé d’augmenter en nombre et en volume.

Les déclarations d’impôt sont en train d’arriver dans les foyers. Chacun va devoir déclarer son revenu, convaincu, peut-être, que le principe selon lequel chacun contribue en fonction des ses moyens est toujours en vigueur. Or il n’en est rien. Parasité par quelques 500 niches fiscales, qui permettent aux contribuables, notamment les plus fortunés, de s’exonérer d’une partie de l’impôt, le système est devenu très inéquitable.

L’histoire des niches fiscales se confond avec celle de l’impôt sur le revenu, créé en 1914. Dès les années 1920, des dispositifs dérogatoires sont introduits, afin d’inciter les ménages à investir dans certains secteurs économiques. Ces mesures de déduction d’impôt ne vont alors cesser de progresser en nombre et en volume. Au point d’atteindre aujourd’hui la somme folle de 73 milliards d’euros de manque à gagner pour le budget de l’État, plus que ce que la collecte de l’impôt sur le revenu permet de faire rentrer dans les caisses. C’est du moins ce qu’a révélé au grand public, en juin dernier, le rapport de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, dit le rapport Carrez. « Ces acquis fiscaux ont rendu le système complexe, illisible et, pour tout dire, illégitime », commente Vincent Drezet, secrétaire national du Syndicat national unifié des impôts (SNUI).

Il existe donc aujourd’hui plus de 500 moyens d’échapper à l’impôt sans être en infraction. Mais il faut, pour cela, avoir les moyens d’investir, dans un investissement locatif, dans la réalisation de travaux, dans l’embauche d’un ou plusieurs emplois à domicile, dans un fonds commun de placement dans l’innovation, dans un plan d’épargne retraite populaire, etc. Sur le très officiel site Internet de la Caisse d’épargne, l’économiste Jacques Le Cacheux, chercheur à l’Observatoire français de la conjoncture économique (OFCE), le reconnaît : « Ce sont surtout les contribuables aisés qui profitent beaucoup des niches fiscales. Il y a un problème d’équité. » Le rapport Carrez a, par exemple, révélé qu’avec elles, 100 000 contribuables réduisaient chaque année leur impôt en moyenne de 15 240 euros. Il a aussi déclenché une polémique en calculant qu’une centaine de foyers parmi les plus riches parvenaient à être totalement exonérés. « Elles représentent en fait la voie de la facilité pour parvenir à baisser l’impôt progressif. Le problème, c’est que, truffé de niches, l’impôt sur le revenu perd son sens », dénonce Vincent Drezet.

Un premier rapport émanant du Conseil des impôts, alors totalement passé sous silence, avait déjà dénoncé cette situation en 2003. À l’époque, il identifiait 486 mesures fiscales dérogatoires pour un coût d’environ 50 milliards d’euros. Il a fallu attendre le rapport 2008, année où le déficit public se creuse, pour que le gouvernement se mêle du débat. En mai, Christine Lagarde, ministre de l’Économie, promet de « nettoyer les niches fiscales ». L’instauration du bouclier fiscal, sorte de « super-niche fiscale » votée dans le cadre de la loi TEPA en 2007, contribue à entretenir la polémique. Le gouvernement finit par se résoudre à introduire dans le budget 2009 le principe d’un plafonnement global des niches, réclamé par beaucoup et revendiqué par le rapport Carrez. Un amendement à la loi de finances instaure une limitation des avantages procurés par les niches fiscales 25 000 euros + 10 % du revenu imposable. Concrètement, un couple sans enfants qui déclare 200 000 euros de salaire (près de 17 000 euros par mois) doit normalement s’acquitter d’un impôt 62 500 euros. Avec les niches fiscales, il peut réduire, au maximum 20 000 + 25 000, soit 45 000 euros. Il doit payer 17 500 euros d’impôt, soit 72 % de remise ! Même si, avant la loi, ce couple pouvait probablement échapper totalement à l’impôt, la somme redevable ressemble à un pourboire. Ce qui fait dire à Vincent Drezet que la réforme est « totalement insuffisante », d’autant plus qu’elle ne rapporterait, in fine, que 200 000 euros à l’État. Paule Masson

 

 


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