Un salon de l'Agriculture

Publié le par COLLECTIF ANTILIBÉRAL du PAYS de PORT-LOUIS

Vert avec des taches


Agricultures. Les reines de beauté du monde de l’élevage défilent depuis ce matin au Salon de Paris Expo, à la porte de Versailles. Concilier production agricole et développement durable, un vaste chantier quand toutes les filières de l’élevage sont en crise…

Nicolas Sarkozy inaugure samedi un Salon de l’agriculture dont le mot d’ordre se veut novateur dans le droit fil des conclusions du Grenelle de l’environnement : « Génération agriculture, produire aujourd’hui, nourrir demain, respecter toujours ! ». Mais le bilan écologique de l’agriculture française est beaucoup plus ambivalent et contradictoire que ne laisse entendre le slogan.

En voie d’étranglement économique dans de nombreuses filières, notre agriculture porte désormais comme un fardeau les incohérences et les contradictions de la Politique agricole commune pilotée par une Commission européenne aussi arrogante qu’incompétente. Face à elle, 27 ministres européens de l’Agriculture sans idées ni projets acceptent une sorte de mise sous l’éteignoir quand ils ne se chamaillent pas pour des broutilles en oubliant l’essentiel.

Pour revenir au Salon, sa mascotte 2009 est la vache laitière de race prim’holstein, reine incontestée du productivisme laitier, grande dévoreuse de maïs ensilé et de tourteaux de soja importé, poussée vers l’abattoir après trois lactations en moyenne, tant sa carcasse est mise à mal par une sélection génétique qui la transforme en ogresse rapidement victime de la cirrhose du foie, du fait de sa boulimie programmée pour des overdoses d’aliments fermentés.

Ce « modèle laitier » peuplé de vaches de couleur noire et blanche est dominant dans toute l’Union européenne. Il l’est aussi dans notre Grand-Ouest productiviste aux produits laitiers peu élaborés alors que les zones de fromages AOC de Franche-Comté, de Rhône-Alpes, d’Auvergne, voire de Basse-Normandie gardent plus de diversité avec les races montbéliarde, tarentaise, abondance et normande.

L’augmentation annuelle des quotas laitiers en volume, en attendant la totale libération de la production laitière après 2013, risque d’accentuer le chaos économique, social et écologique dans la filière laitière où le conflit sur le prix du lait reste sous-jacent après les manifestations de l’automne 2008 en France. Cette évolution va à l’encontre des objectifs partagés du Grenelle de l’environnement. Animaux phares du Salon, les races bovines à viande connaissent encore une situation plus difficile. Le revenu net des éleveurs a diminué de 32 % en 2008 après une chute de 25 % en 2007. Le revenu net mensuel par unité de travail est ainsi tombé à 883 euros, ce qui met en cause la pérennité de la profession. Des prix de marché déprimés et des coûts de production en hausse sensible en 2007-2008 du fait de la flambée des cours des carburants, des engrais et des céréales, qui sont à l’origine de cette baisse de revenu. Pour 2009, le recul de la consommation de viande rouge déjà entamé en 2008, pour cause de baisse du pouvoir d’achat des ménages, risque encore d’aggraver les choses. Surtout que les marges de la distribution continuent d’augmenter comme l’a révélé une récente étude de l’UFC-Que Choisir [1].

Recul de l’élevage bovin ?

Activité agricole et écologique par excellence grâce à la valorisation de l’herbe, l’élevage bovin pourrait rapidement reculer en France avec la conjonction du découplage des aides de la production et de nouvelles facilités données aux pays tiers pour exporter de la viande bovine en Europe en cas d’accord à l’OMC.

Soumis aux même difficultés que l’élevage de bovins à viande, l’élevage ovin continue de reculer, victime dès 1980 d’une mondialisation des échanges quand l’Europe accepta l’importation annuelle de 230 000 tonnes de carcasses d’agneaux sans droits de douane depuis la Nouvelle-Zélande. Essentiel pour l’entretien et le nettoyage des terres pauvres de zones de montagne et de piémont, l’élevage ovin est surtout tenu par des éleveurs âgés qui n’auront pas de successeur si le revenu ne s’améliore pas.

Si l’élevage traditionnel respectueux de l’environnement a beaucoup souffert ces dernières années, l’élevage indutriel porcin ne se porte pas mieux. La conjonction d’une production européenne excédentaire avec la flambée du prix des aliments en 2007-2008 a plombé la trésorerie des élevages. Au point que les plus gros éleveurs ne sont plus sûrs, cette fois, de se refaire en mangeant les plus petits qui font faillite à la faveur d’une reprise des prix qu’ils espèrent pour 2009 après une baisse en volume de l’offre européenne estimée à 5 %.

Nicolas Sarkozy regarde ailleurs

Dans ce secteur, c’est Bruxelles et le Parlement européen qui mettent en place certaines distorsions de concurrence. Le vote et l’application de la directive Bolkestein ont permis aux éleveurs et aux abatteurs allemands d’embaucher des milliers de porchers et de bouchers polonais avec des contrats du pays d’origine mal payés pour travailler à plein-temps dans les élevages et les ateliers de découpe. Ce qui permet à l’Allemagne d’exporter en France en cassant les prix à la production sans que cela ne bénéficie au consommateur comme le montre encore l’étude de l’UFC-Que Choisir.

« L’Europe ne peut renoncer à défendre son agriculture de production, et doit protéger la qualité sanitaire et environnementale de son alimentation », a déclaré Nicolas Sarkozy à Daumerey (Maine-et-Loire), jeuidi dernier. Il a raison. Sauf que durant le second semestre 2008, sous présidence française, l’Europe n’a pas défendu cette orientation. Le ministre de l’Agriculture, Michel Barnier, a accepté la disparition des outils européens de régulation des marchés agricoles tandis que Nicolas Sarkozy regardait ailleurs.

Gérard Le Puill


Publié dans Économie

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