Dépassements d'honoraires : vers une hausse généralisée ?

Publié le par COLLECTIF ANTILIBÉRAL du PAYS de PORT-LOUIS

La création d’un nouveau secteur tarifaire, le secteur « optionnel », censé limiter les dépassements d’honoraires pratiqués par les médecins, pourrait conduire à une hausse généralisée des tarifs médicaux et des cotisations des complémentaires santé.

Ils augmentent chaque année au rythme de 100 millions d’euros. Les dépassements d’honoraires sont devenus monnaie courante chez les médecins spécialistes. Pour tenter « d’encadrer » ce glissement, les syndicats de médecins et la Caisse nationale d’assurance maladie doivent boucler aujourd’hui la négociation d’une nouvelle convention médicale, qui fixe notamment les tarifs des actes médicaux. Au programme, la mise en place d’un nouveau secteur tarifaire, dit « optionnel », qui viendrait se glisser entre les deux qui existent déjà : dans le secteur 1, les médecins pratiquent les tarifs négociés avec la Sécurité sociale, qui servent de base aux remboursements des assurés, en échange d’une prise en charge de leurs cotisations sociales par l’assurance maladie. Dans le secteur 2, les médecins peuvent pratiquer des dépassements « avec tact et mesure » (en réalité quasi sans contrôle), lesquels sont pris en charge, partiellement et sous conditions, par les organismes complémentaires.

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LA FIN DES SOINS CONVENTIONNÉS

Si un accord était conclu, il permettrait à certains spécialistes (chirurgiens, gynécologues- obstétriciens, anesthésistes) de dépasser les tarifs Sécu dans la limite de 50 %, à condition de pratiquer les tarifs Sécu pour un tiers de leur patientèle – notamment les titulaires de la CMU, de l’aide médicale d’État, les urgences. En contrepartie, l’assurance maladie prendrait en charge une partie de leurs cotisations. Le secteur optionnel permettrait donc de mettre un terme aux dépassements d’honoraires, aux refus de soins opposés par certains médecins aux titulaires de la CMU, et de régler la question de la hausse des tarifs demandés par certains spécialistes sans que la Sécu ait à débourser un centime.

Alors, solution miracle ? Pas tout à fait. D’abord, côté médecin, la mesure n’intéressera que les spécialistes qui pratiquent des dépassements « mesurés », inférieurs à 50 % du tarif Sécu. Pour les autres, très nombreux, elle n’aura aucun intérêt financier. C’est ce qui explique les réticences du principal syndicat de médecins, la CSMF, opposé à un « secteur optionnel qui se substituerait au secteur 2 ». Ce nouveau secteur intéressera la petite minorité des spécialistes qui ont fait le choix du secteur 1 et qui pourront être tentés de l’abandonner. À terme, c’est la fin de l’offre de soins à des tarifs remboursés par la Sécu. Pour MG France, le principal syndicat de médecins généralistes, le problème est « mal posé et mal réglé ». Claude Leichner estime que « la façon de faire aujourd’hui ne permet pas de répondre à l’objectif qui, pour nous, est d’avoir un tarif lisible, pris en charge par les cotisations obligatoires ». Coté patients, le Ciss, un collectif regroupant une trentaine d’associations de malades, estime que la création d’un secteur tarifaire intermédiaire aboutirait à « une augmentation de 50 % du tarif des consultations pour 70 % de nos concitoyens ». En outre, la place des complémentaires santé est mal définie dans le dispositif : elles souhaitent, comme l’assurance maladie, réduire le nombre de médecins autorisés à dépasser les tarifs remboursables, comme le rappelle le président de l’Union nationale des organismes d’assurance complémentaire (Unocam), Jean-Michel Laxalt. Mais elles pourraient répercuter sur leurs cotisations l’augmentation des remboursements induite par le nouveau dispositif, accompagnant le désengagement continu de l’assurance maladie dans les remboursements médicaux. Sans compter les citoyens qui n’ont pas les moyens de payer une complémentaire.

LUCY BATEMAN


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